La question de savoir si un salarié peut être licencié pour avoir "liké" ou partagé des publications sur les réseaux sociaux, notamment à caractère politique, devient de plus en plus pertinente à mesure que les entreprises prennent en compte l'usage des plateformes sociales par leurs employés. Ce débat est d'autant plus actuel après qu'un dirigeant d’un grand groupe de presse a démissionné, suite à des "likes" attribués à des publications de personnalités d'extrême droite sur LinkedIn. Alors, est-il vraiment possible de perdre son emploi à cause de ses activités en ligne ?
La liberté d'expression est un principe fondamental en droit du travail, protégé à la fois par la Constitution et par le Code du travail. Cependant, cette liberté n'est pas absolue et peut être limitée si les propos d’un salarié portent atteinte à l’image de l’entreprise ou enfreignent des règles internes. De nombreuses entreprises ont ainsi mis en place des chartes d’utilisation des réseaux sociaux. Ces chartes ne cherchent pas à interdire les comportements sur les réseaux sociaux, mais à encadrer leur utilisation en fixant des recommandations et bonnes pratiques.
Les restrictions à la liberté d’expression doivent être justifiées par un objectif précis et légitime lié à l’entreprise, comme la préservation de son image ou le maintien de son bon fonctionnement. De plus, toute restriction doit être proportionnelle à l’enjeu.
Le statut du salarié dans l'entreprise joue un rôle déterminant dans l’appréciation des propos tenus. Par exemple, un salarié occupant un poste de caissier n’aura pas la même influence sur l’image de l'entreprise qu’un dirigeant dont les opinions personnelles ou politiques peuvent avoir un impact direct sur la perception publique de l’entreprise. Ainsi, en fonction du rôle et de la visibilité du salarié, les attentes concernant la réserve à adopter sur les réseaux sociaux peuvent varier.
Une question importante est celle de la frontière entre vie privée et professionnelle. Si un salarié publie un contenu sur un réseau social limité à un cercle restreint d'amis ou à un groupe fermé, cette publication reste généralement considérée comme privée. Toutefois, dès qu’un contenu devient visible par un plus large public, il entre dans le domaine public et peut affecter l’image de l’entreprise.
Sur des plateformes comme LinkedIn, qui est un réseau social professionnel, les publications sont directement associées au nom du salarié et à son entreprise. Cela peut avoir un impact significatif sur la réputation de l'employeur. En conséquence, un employeur peut légitimement prendre en compte une publication faite sur LinkedIn dans le cadre d’une procédure disciplinaire, même si celle-ci n’a aucun lien direct avec l’activité professionnelle.
La question des convictions politiques est particulièrement sensible. En principe, un employeur ne peut pas sanctionner un salarié pour ses opinions personnelles, sauf si ces opinions créent un trouble objectif pour l’entreprise. Autrement dit, un "like" ou un partage d’opinion politique ne pourra entraîner une sanction que si cela nuit à l’image ou à la réputation de l'entreprise. Le statut et la visibilité du salarié dans l’entreprise seront également pris en compte : un salarié occupant un poste à responsabilité, ou ayant une forte visibilité, peut être jugé plus sévèrement qu’un salarié en bas de la hiérarchie.
Il est courant de voir des recommandations dans les chartes internes des entreprises incitant les salariés à ajouter la mention "mes publications n'engagent que moi" sur leurs profils ou publications. Toutefois, cette simple mention ne suffit pas toujours à écarter toute responsabilité. Il est généralement conseillé de préciser cette mention dans chaque publication, et non seulement dans la présentation du profil, pour limiter les risques de confusion et protéger ses activités sur les réseaux sociaux contre d'éventuelles sanctions professionnelles.